Sur le réseau social X, un internaute a affirmé dans un post qu’au moins cinq véhicules des différents groupes des rebelles ont été brûlés par des personnes en provenance de Kanyabayonga, une localité dans l’est de la République démocratique du Congo. Selon l’auteur de la publication, ces rebelles tentaient de rallier la troisième ville de la province du Nord-Kivu. Il est vrai que la situation est tendue dans cette partie du pays, mais nos recherches auprès des sources officielles indiquent que cette information est falsifiée. Il s’agit des véhicules des humanitaires incendiés par quelques jeunes.
Cette information publiée depuis le 1er juillet sur ce compte X, a atteint jusqu’au 10 juillet 60,5k vues, 45 reposts, 6 citations, 298 j’aime, 6 signets.
Citation : « #RDC : Au moins 5 véhicule de de M23 / RDF/ /KDF / UPDF brûlés par des personnes embusquées. Ils essayaient de rallier BUTEMBO quittant Vers kanyabayonga »

Capture d’écran du 5 juillet 2024
Les faits
Nous avons douté de cette information sur l’incendie des véhicules appartenant au M23 dans la ville de Butembo car ce mouvement n’est pas près de cette ville, selon les sources officielles. Dans cette région du grand Nord-Kivu, contrôlée par le secteur opérationnel militaire Sokola I, la communication des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) sur l’incendie des jeeps du M23, n’est pas annoncée.
Sur cette publication, nous avons trouvé les commentaires des internautes qui ont signalé qu’il s’agit d’une fausse information. Comme cela ne suffisait pas, en poursuivant notre recherche, nous avons contacté la cellule de communication de la mairie de Butembo qui n’a pas confirmé la nouvelle. Sur le site internet de la Radio Elimu, une radio locale, un article de presse précise qu’il s’agit de cinq véhicules et cinq motos de l’Organisation non gouvernementale Tearfund venus du territoire de Lubero fuyant les affrontements entre FARDC et M23 pour la ville de Butembo.
Démenti du président du conseil local de la jeunesse
Sur le lieu du drame à Kivunano, dans le quartier Ngingi dans la commune de Mususa, cinq jeeps qui portent la mention Tearfund, et sept motos ont été incendiées. Nous avons échangé avec le président du conseil local de la jeunesse du quartier Ngingi, Monsieur Mumbere Muyisa Bienvenue , il note qu’il s’agissait des humanitaires en provenance du territoire de Lubero pour un transite en ville de Butembo et non les M23.
« C’est étonnant de voir ce qui s’est passé dans mon quartier être attribué au M23. Ce sont des jeunes qui ont malheureusement incendié ces véhicules. C’est pour moi regrettable au vu de la situation actuelle. L’incendie de ces véhicules avait eu lieu dans la nuit du dimanche 30 juin. Nous avons appris qu’ils partaient à Beni et qu’ils devraient d’abord transiter », a-t-il expliqué.

Jeeps de l’ONG Tearfund incendiées à Kivunano par des jeunes en vigilance. Photo crédit Glodi Mirembe. Le 1er juillet 2024
Pour le bourgmestre de la commune de Mususa, il s’agit des véhicules d’une Organisation non gouvernementale (ONG).
« Il y a quelques véhicules d’une ONG, qui venait du côté de Lubero pour la ville de Butembo. Alors ils ont été interceptés, on n’est pas en mesure d’expliquer ce qui s’est réellement passé sur terrain parce que les véhicules ont été brûlés et 3 motos d’après nos informations. Il y a même des pertes de vies humaines », rapporte le bourgmestre de Mususa.
Dans un entretien avec Balobaki Check, le Commissaire supérieur, Lyombo Walobanga a donné un bilan de trois morts dans le rang des humanitaires. Aux côtés des morts, et jeeps incendiées, l’autorité communale parle aussi des motos incendiées et plusieurs biens transportés.

Mention Tearfund sur un véhicule incendié. Crédit photo Glodi Mirembe. Le 1er juillet 2024.
Nous avons également lu un communiqué de presse, des Nations Unies via son Bureau du coordonnateur humanitaire en République démocratique du Congo, elles ont condamné l’attaque du convoi des humanitaires à la base des morts. Dans ce document Bruno Lemarquis, démontre que depuis le début de l’année 2024 au Nord-Kivu, plus de 170 incidents sécuritaires ont directement ciblé les travailleurs humanitaires, causant au moins quatre morts et vingt blessés et plus d’une dizaine enlevés. Il confirme la mort de deux humanitaires à Butembo. Pour M. Lemarquis les auteurs devraient être identifiés et traduits en justice.
« Je rappelle que les humanitaires ne sont pas des cibles, même que les populations civiles ne sont pas des cibles. La sécurité et la protection des humanitaires doivent être assurées et les auteurs de ces actions doivent être identifiés et traduits en justice », peut-on lire dans ce communiqué rendu public le 02 juillet 2024.

Une moto et une jeep de Tearfund incendiées à Kivunano. Crédit photo Glodi Mirembe. Le 1er juillet 2024.
En conclusion , cinq jeeps et sept motos incendiées à Kivunano, dans le quartier Ngingi dans la ville de Butembo n’appartiennent pas au M23 , RDF, KDF et UPDF en provenance de Kanyabayonga pour Butembo.
Contexte
Depuis près de deux semaines, les rebelles du Mouvement du 23 mars sont entrés dans le territoire de Lubero après des rudes affrontements à Kanyabayonga. Cette progression vers le grand Nord-Kivu, est à la base d’un déplacement massif des populations vers les grandes entités comme Lubero centre et la ville de Butembo. Les humanitaires qui exécutent leurs projets dans le territoire de Lubero les ont suspendus et prennent la direction des milieux jugés sécurisés.
Les autorités locales ont dit à BALOBAKI CHECK qu’une enquête était ouverte pour identifier les auteurs de cet acte.
Dans la ville de Butembo les jeunes procèdent des journées voire des nuits à la vigilance. Pour eux une façon de lutter contre toute éventualité. Cette surveillance qui passe parfois par des contrôles systématiques et patrouilles nocturnes dans des quartiers débouche à une justice populaire.
L’illustration de ce Fact-chacking est un partenariat avec Cartooning for Peace – Migue ( Cuba
Écrit par Glodi Mirembe, Fact-checker à Balobaki Check basé dans la province du Nord-Kivu
Relecture Kerene Yala, Fact-checker à Balobaki Check basée à Kinshasa
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