Très engagé sur le front judiciaire contre la rébellion AFC/M23 sévissant dans l’Est de la RDC, Constant Mutamba avait, quand il était encore au ministère de la Justice, ouvert plusieurs actions judiciaires contre les membres du mouvement rebelle ainsi que leurs soutiens présumés. Et c’est dans ce cadre que des poursuites judiciaires ont même été lancées contre le Président honoraire de la RDC, Joseph Kabila, allié du groupe armée M23 selon Kinshasa. L’ex chef de l’Etat congolais est accusé de participation à un mouvement insurrectionnel, crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
Depuis le 25 juillet 2025, la haute cour militaire de Kinshasa, a ouvert le procès contre l’ancien Président de la RDC , poursuivi pour une dizaine de graves chefs d’inculpation notamment son implication en tant que co-initiateur du mouvement politico-militaire AFC, dont la branche armée M23, soutenue par l’armée rwandaise qui occupe depuis janvier 2025 plusieurs portions de terre dans l’Est de la RDC, dont les villes de Bukavu et Goma.
Par ailleurs, Constant Mutamba est lui-même poursuivi dans un procès distinct pour détournement des fonds publics (19 millions de dollars destinés à la construction d’une prison à Kisangani), une affaire dans laquelle il a dénoncé dans sa lettre de démission un complot politique, en relation avec les tensions autour du M23 et l’ingérence du Rwanda, qui soutenait cette rébellion affirmant que le M23 cherchait à l’éliminer physiquement.
C’est dans ce contexte que certains estiment que le procès Mutamba serait lié d’une certaine manière à l’AFC/M23, qui réclamerait la tête de l’ancien patron de la Justice congolaise avant de s’engager dans un processus de paix. L’information que nous vérifions a été publiée dans l’édition du 19 août 2025 d’un média Sénégalais qui s’appelle Dakar Times, la même information a été partagée également par un compte tiktok en RDC suivi par plus de trois millions de personnes.
Citation
‘’ Accord de Doha et de Washington : M23/AFC exige la tête de Mutamba, Felix se plie ‘’

Capture d’écran de l’information que nous vérifions. Prise par Balobaki Check, le 20 août 2025 sur le site du média Dakar Times.
Les faits
Contrairement aux rumeurs sur la toile et autres théories du complot. Les informations officielles renseignent que le désormais ex-ministre de la Justice Constant Mutamba, est en effet accusé de détournement de fonds publics dont le montant rapproche 19 millions de dollars, provenant d’un total de 39 millions alloués à la construction d’une prison à Kisangani dans la province de la Tshopo, en République démocratique du Congo. Ces fonds, censés convenir pour la réalisation de ce projet, auraient été détournés par Consta Mutamba, selon le ministère public.
Au cours du procès, il a été reproché à cet ancien ministre congolais d’avoir contourné les procédures de passation des marchés publics en transférant l’argent à une société jugée ‘’ mafieuse ‘’ dénommée Zion Construction, sans l’avis de non-objection requis, et sans respecter les institutions compétentes. Cette société n’aurait pas de siège social, de personnel ni de garantie bancaire réelle, ce qui renforce les soupçons de fraude.
Après plaidoirie par les deux camps, le verdict final du procès Mutamba est attendu le 27 août 2025, le ministère public a demandé à la cour de cassation de condamner l’ancien ministre de la justice à 10 ans de travaux forcés. À aucun moment du procès, une quelconque référence à l’AFC/M23 n’a été faite. Ce qui nous permet sur le plan factuel de conclure que les allégations liant le procès Mutamba à son activisme autrefois contre le mouvement rebelle AFC/M23 et ses suppôts, ne reposent sur aucune preuve.
Un point sur le processus de Doha et de Washington
Depuis plusieurs mois, plusieurs processus de paix sont en cours pour rétablir la paix dans l’Est de la RDC entre les trois principaux acteurs impliqués dans ce conflit, à savoir la RDC, le Rwanda, et la coalition AFC/M23.
Le processus de paix sous la médiation américaine a abouti à un accord de paix signé le 27 juin 2025 à Washington entre Kinshasa et Kigali. Cet accord prévoit plusieurs dispositions majeures pour mettre fin au conflit dans l’est de la RDC, où des décennies de guerre ont fait des milliers de morts.
Ces dispositions sont entre autres, le respect de l’intégrité territoriale de la RDC, l’arrêt des hostilités dans l’est du pays, le retrait inconditionnel des troupes rwandaises du sol congolais, un cessez-le-feu global entre les deux pays etc.
De l’autre côté à Doha, sous la médiation du Qatar, un processus de paix entre le gouvernement congolais et l’AFC/M23 est en cours, ce dernier n’a pas encore abouti. Cependant, il y a déjà eu la signature d’une déclaration des principes entre Kinshasa et le groupe rebelle, qui prévoit également plusieurs engagements dont : un cessez-le-feu permanent, la restauration de l’autorité de l’Etat dans les zones occupées par les rebelles du M23, la libération des prisonniers, le retour des réfugiées et déplacées, le retrait non négociable de l’AFC/M23 des parties occupées suivi du déploiement des institutions étatiques légales (FARDC, PNC, justice, administration).
Dans cette déclaration des principes que nous avons consultés, nulle part le groupe armé M23 impose comme condition à Kinshasa la condamnation de Constant Mutamba avant la signature d’un accord de paix dont le projet a été déjà soumis aux deux parties depuis le 17 août 2025.
Les mesures de confiance réclamées par la rébellion
Dans le cadre du processus de Doha entre Kinshasa et l’AFC-M23, ce dernier ont exigé au gouvernement congolais quelques conditions qu’ils appellent mesures de confiance :
- Abrogation de la résolution de l’Assemblée nationale interdisant toute négociation ou intégration des membres issus de groupes armés dans les forces armées et de sécurité.
- Levée des mandats d’arrêt contre certains cadres du M23.
- Libération des personnes détenues en raison de leurs liens familiaux, amicaux ou communautaires avec des membres du mouvement.
- Reconnaissance officielle du processus de paix de Doha par le président Félix Tshisekedi, avec un engagement public au dialogue direct avec le M23.
- Parmi les exigences de l’AFC-M23, aucune ne concerne l’ancien ministre de la Justice congolais, Constant Mutamba.
En conclusion, l’information selon laquelle : ‘’ Accord de Doha et de Washington : M23/AFC exige la tête de Mutamba, Felix se plie ‘’ ne repose sur aucune preuve factuelle. Le processus de Doha exclusivement engagé entre l’AFC-M23 et Kinshasa dont la déclaration des principes a été signé avant un accord définitif entre ces deux parties ne confirme pas cette information.
Cet article de vérification des faits est rédigé par l’équipe de Balobaki check en période de guerre dans l’Est de la République démocratique du Congo.Pour assurer la sécurité de nos journalistes, les articles liés à la situation sécuritaire seront signés par la rédaction.
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Nos sources – Vous aussi, vous pouvez vérifier comme nous :
- Accord de Washington entre Rwanda et la RDC
- Déclaration des principes entre AFC-M23 et Kinshasa
- Article jeune Afrique sur un projet d’accord entre M23 et Kinshasa
- Article de Deutsche Well sur le procès Mutamba
- Lien archivé de l’infox publié par le média Dakar Times
- Lettre de démission de Constant Mutamba
- Article sur les poursuites judiciaires contre Joseph Kabila
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