Non, l’ancien ministre congolais Ngoi Mukena n’est pas mort deux mois après une interview datant de 2014 dans laquelle il révélait avoir été chargé de « [créer] la paternité katangaise de Joseph Kabila » 

En 2 lignes

Les faits montrent que cet ex-ministre est mort en 2022 et non deux mois après l’interview réalisée en 2014.

08/12/2025

En bref

Au cours d’un procès de l’ancien Président congolais Joseph Kabila, un avocat a affirmé que Ngoy Mukena, ancien ministre de la Défense et ancien gouverneur de la province Haut Katanga (ex-Katanga) a été « assassiné » deux mois après avoir donné une interview en 2014 dans laquelle il affirmait qu’il avait la mission de « donner » à l’ancien président « son patelin » dans le Katanga. Cependant, les faits montrent que cet ex-ministre est mort en 2022, c’est-à-dire huit ans après son entretien.

Cette vidéo ressurgit alors qu’un procès est en cours en RDC où la Haute Cour militaire de Kinshasa poursuit Joseph Kabila, ancien président du pays pour : « Participation à un mouvement insurrectionnel, crime contre la paix, homicide intentionnel par balles, trahison, apologie du terrorisme, viol, torture, déportation et occupation à force ouverte de la ville de Goma ». 

C’est la première fois en RDC depuis l’indépendance en 1960 qu’un ancien chef d’Etat est traduit devant la justice en RDC. Son immunité a été levée au mois de mai dernier et il risque la peine de mort. Laquelle est à nouveau applicable dans le pays, depuis la levée, en mars 2024, d’un moratoire imposé pendant deux décennies. Depuis cette date, la justice congolaise a d’ailleurs. 

Citation 

“ Le professeur dit qu’il avait la mission de créer la paternité de Joseph Kabila. (…) Nous avons souhaité que la Haute Cour militaire puisse prendre acte de cette interview du professeur Ngoy Mukena, qui a été assassiné deux mois après cette interview ”.

La séquence judiciaire s’étend sur trois heures, et ce n’est qu’à la 145e minute que l’on entend l’avocat déclarer cette affirmation; soit  entre 2:42:51 et 2:43:1. 

Plusieurs médias congolais ont relayé l’information selon laquelle “ les avocats des parties civiles affirment que Ngoi Mukena aurait été assassiné peu après avoir fait des révélations sur l’identité de Kabila”. C’est le cas par exemple du journal Le Potentiel qui parle même d’une interview « accablante » et d’une « déclaration explosive ». 

Qui est Ngoi Mukena ? 

En lisant l’article du journal congolais, on y voit notamment une citation attribuée à tort au defunt ministre, Mukena : « J’ai été chargé de créer une fausse identité congolaise pour Joseph Kabila. » écrit le journal qui commente ensuite : “ Dans cette déclaration, l’ex-ministre reconnaît avoir joué un rôle actif dans la fabrication d’une fausse identité pour Kabila : « J’ai été chargé de créer une fausse identité congolaise pour Joseph Kabila. »

Que disait concrètement le défunt ministre ? 

En menant nos recherches avec les mots clés  » Ngoi – Mukena – Kabila – Katanga » sur Google, nous sommes tombés sur la vidéo citée par l’avocat sur la plateforme Youtube. On voit le ministre affirmer notamment ceci :

« On savait que Mzee avait un enfant qui s’appelait Joseph; et Joseph travaillait beaucoup; (…) Joseph [Kabila] cherchait quelqu’un qui construise son image [de] Katangais et fils [du] Mzee [Laurent-Désiré Kabila]. Vous pouvez poser la question au président actuel : d’où est venu le surnom de ‘Kabange’ ? Il nous avait dit qu’il est jumeau et nous lui avons rétorqué que chez nous, on appelle les jumeaux Kyungu et Kabange », avance-t-il. 

Dans le même extrait, l’ancien ministre décédé, Ngoi Mukena soutient également qu’il avait la mission de « créer avec tous les Katangais la paternité de Joseph et c’est une mission que j’avais réussie ». 

Nos recherches nous ont notamment menés vers un article publié en 2015 par le média panafricain Jeune Afrique intitulé : RDC : une vidéo refait surface et met le ministre des Hydrocarbures dans l’embarras vis-à-vis de Kabila

Cette vidéo a toujours été utilisée par l’opposition congolaise pour remettre en cause la congolité de l’ancien Président. L’ancien ministre avait réagi en 2015 pour fixer l’opinion sur le contexte de la vidéo Ngoi Mukena réagit et qualifie le débat “ d’infondé et de diversion, surtout dans un contexte de dialogue national imminent”.

Non, l’ancien ministre n’a pas été assassiné deux mois après l’interview 

Alors que l’interview de l’ancien ministre date de 2014, sa mise au point sur la vidéo date de 2015, c’est en mai 2022, que Ngoy Mukena décède dans la ville de Lubumbashi “ des suites d’une courte maladie”, a brièvement répondu à Balobaki Check lundi, un membre de sa famille biologique. 

L’annonce de sa mort est relayée par les médias et plusieurs personnalités, dont Moïse Katumbi, Jean-Claude Masangu et Jacques Kyabula. Aucune de ces publications ne fait mention à un “ assassinat”. Aucun média a également rapporté les faits présentant la mort de cet ancien gouverneur comme un assassinat. 

Chronologie 

  • 2014 : Aimé Ngoi Mukena accorde une interview à un média local dans laquelle il revient sur son parcours politique, notamment ses trois années à la tête de l’ex-province du Katanga (2001–2004), thème central de son livre Ma vision du Katanga, visible dans la vidéo.
  • Décembre 2014 : Ngoi Mukena est nommé ministre de la Défense dans le gouvernement Matata II.
  • Septembre 2015 : Il devient ministre des Hydrocarbures après un réaménagement technique du même gouvernement.
  • Décembre 2019 : Ngoi Mukena est nommé ministre de la Défense nationale dans le gouvernement Ilunkamba
  • Mai 2022 : Ngoi Mukena décède à Lubumbashi des suites d’une courte maladie. Sa mort est confirmée par sa famille, relayée par les médias et plusieurs personnalités, dont Moïse Katumbi, Jean-Claude Masangu et Jacques Kyabula.
  • Mars 2025 : Le MLC publie un communiqué accusant Joseph Kabila d’avoir « usurpé » l’identité congolaise avec l’aide de Ngoi Mukena. Lors d’un rassemblement (cf. minutes 11:10 et 11:54), Bemba déclare que Mukena aurait participé à un complot impliquant des puissances étrangères pour imposer Joseph Kabila à la tête de la RDC. Il affirme même que Mukena aurait avoué ce complot, ce qui aurait conduit à son assassinat. Ces propos sont massivement relayés sur les réseaux sociaux.

En conclusion, l’affirmation selon laquelle “ Le professeur dit qu’il avait la mission de créer la paternité de Joseph Kabila. (…) Nous avons souhaité que la Haute Cour militaire puisse prendre acte de cette interview du professeur Ngoy Mukena, qui a été assassiné deux mois après cette interview ” est fausse car Ngoi Mukena est décédé en 2022, selon les membres de sa famille biologique contactés par Balobaki Check. Et rien n’indique qu’il a été assassiné. 

Écrit par Ange Kasongo 

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