Citation : « Lorsque vous épousez une femme Tutsi aujourd’hui, il faut faire attention, parce que si vous êtes responsable, c’est ce qu’ils ont fait avec les grands chefs coutumiers partout. On vous donne une femme, mais vous allez recevoir un membre de la famille de la femme, un cousin, un neveu qui viendra chez-vous, alors que c’est la personne qui viendra faire des enfants avec votre épouse à la maison. On vous dira que non, les enfants naissent Tutsi ou comme des Tutsi parce la race Tutsi est supérieur, alors que c’est une perfidie, Ubwenge » a déclaré le porte-parole des FARDC, Sylvain Ekenge Bomusa à la RTNC lors d’une émission spéciale. Cet extrait de l’émission a été largement partagé par les internautes. C’est comme ici sur X, et là sur Facebook.
La République démocratique du Congo fait face à des cycles de guerre depuis plusieurs décennies. C’est sa partie orientale, les Nord et Sud-Kivu voire l’Ituri, qui est plus touchée par cette guerre. D’un côté elle est causé par des groupes armés locaux à l’instar des maï-maï aujourd’hui Wazalendo, d’autres par rebellions étrangères dont les Forces démocratiques Alliées (ADF), Forces pour la libération du Rwanda (FDLR) et Mouvement du 23 mars (M23). La rébellion M23, AFC, soutenue par le Rwanda voisin selon l’ONU, a connu une allégeance des rebelles du groupe Twirwaneho, qui se réclame aussi « défenseur des droits de minorités », dont Banyamulenge ou Tutsi.
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Historiquement, les analystes rapportent qu’en 1971 le président Mobutu Sese Seko a accordé la citoyenneté à toute personne originaire du Rwanda ou du Burundi, à condition qu’elle ait été présente sur le territoire congolais avant 1960. Ainsi les Tutsi sont reconnus en République démocratique du Congo, et sont majoritairement localisés à l’Est du pays.
La Belgique a condamné les propos du porte-parole de l’armée congolaise
Le ministre rwandais des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, a commenté une partie de la déclaration du porte-parole de l’armée congolaise : « Ubwenge » qui intervient vers la fin. Dans un post X ré-posté sur son compte, l’auteur signale que Ubwenge a été utilisé au sens de «hypocrisie ou malignité ». Or au Rwanda selon lui la malignité et l’hypocrisie ont leur signification « uburyarya, uburiganya ».
« Extrêmement choqué des propos tenus aujourd’hui par le porte-parole de l’armée congolaise, le Général Ekenge, ciblant la communauté Tutsi. C’est absolument indigne de la part d’un représentant officiel. Je les condamne avec la plus grande fermeté. Tout discours de haine doit être rejeté en toutes circonstances. La concorde nationale ne peut se construire que dans un esprit d’inclusion de toutes les communautés », rappelle le ministre Belge des Affaires étrangères dans ce post X.
🇨🇩 Extrêmement choqué des propos tenus aujourd’hui par le porte-parole de l’armée congolaise, le Général Ekenge, ciblant la communauté Tutsi.
C’est absolument indigne de la part d’un représentant officiel.
Je les condamne avec la plus grande fermeté. Tout discours de haine doit…— Maxime PREVOT (@prevotmaxime) December 28, 2025
L’affirmation a également été condamné par des personnalités publiques en RDC comme le Docteur Denis Mukwege “ Tout discours et tout acte de haine , d’humiliation et de discrimination stigmatisant une ethnie ou le genre doivent être réprouvés et condamnés avec force, surtout quand ceux-ci sont le fait d’une autorité publique. Malgré les innombrables injustices et actes d’humiliation que subit la population congolaise suite à l’agression rwandaise et ses supplétifs, il est indispensable d’éviter des discours toxiques qui sèment la haine ethnique et la discrimination du genre. L’amour entre les peuples de la région des Grands Lacs doit être plus fort que la haine de certains gouvernants assoiffés de sang et de pouvoir. L’impunité légendaire dont jouissent certains dignitaires de la région explique la répétition des paroles et actes haineux qui fragilisent la cohésion nationale et régionale”, a tweeté le prix Nobel de la paix.
“ C’est extrêmement grave, et ça menace l’unité nationale et le vivre ensemble”
La constitution de la RDC reconnaît à son article 12 que tous les congolais sont égaux devant la loi et ont droit à une égale protection des lois. Le droit congolais interdit les discours et messages incitatifs à la haine.
L’Ordonnance-loi n°66-342 du 07 juin 1966 punit et fait du tribalisme une infraction. « Quiconque aura, par paroles, gestes, écrits, images ou emblèmes, ou par tout autre moyen, manifesté de l’aversion ou de la haine raciale, ethnique, tribale ou régionale, ou aura commis un acte de nature à provoquer cette aversion ou cette haine, sera puni d’un mois à deux ans de servitude pénale et/ou d’une amende », lit-on dans cet article de presse détaillant le 1er article de ladite ordonnance loi.
Plusieurs publications politiques de la famille du président congolais ont souligné que Félix Tshisekedi a toujours tenu un discours opposé à celui exprimé par le porte-parole des Forces armées. Une ancienne vidéo a refait surface pour le rappeler.
Mise au point émanant du Premier Citoyen de la République Démocratique du Congo, Président de la République et Chef de l’État, Son Excellence Félix Antoine TSHISEKEDI TSHILOMBO. pic.twitter.com/n9YcYEnamv
— Augustin KABUYA (@AugustinKabuyaT) December 28, 2025
De nombreux analystes voient en cette affirmation une manière de réduire “ une communauté entière à des traits de « perfidie » et de « manipulation biologique », ce discours déshumanise les individus”, a commenté un analyste politique congolais.
Fred Bauma d’Ebuteli estime dans une série de Tweet que “ Le narratif du Genéral Ekenge n’est pas nouveau, il a déjà été entendu dans d’autres offices à Kinshasa contre les populations de l’Est (vous avez vendu vos terres à cause des femmes). C’est extrêmement grave, et ça menace l’unité nationale et le vivre ensemble”.
Le porte-parole de l’armée et Général Ekenge, suspendu !
L’armée congolaise a aussi réagi dès les premières heures de lundi 29 décembre 2025. Dans un communiqué, le chef d’Etat-major des FARDC a signalé que les propos du Général – major Sylvain Ekenge ne reflétaient pas la position du pays via le président de la république, non plus du gouvernement congolais. Tout en annonçant la suspension du porte-parole de l’armée loyaliste, l’Etat-major des FARDC, s’engage à protéger l’intégrité territoriale et tous les citoyens congolais. « L’État-Major Général des Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) condamne les propos tenus par le Général-Major EKENGE BOMUSA EFOMI Sylvain, stigmatisant la communauté Tutsi sur les antennes de la Radio-Télévision Nationale Congolaise (RTNC) le samedi 27 décembre 2025. Tirant les conséquences de cet acte, il a été décidé la suspension du précité de ses fonctions de porte-parole des FARDC », rapporte le chef d’État-major dans ce communiqué partagé par le porte-parole du gouvernement congolais.
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En conclusion, le Général – Major EKENGE BOMUSA EFOMI Sylvain a été suspendu de ses fonctions en tant que porte-parole des Forces armées de la RDC, après avoir tenu des propos discourtois face à la communauté Tutsi.
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