La publication a été vue par des centaines de milliers de personnes sur le réseau social X. L’auteur de la publication mentionne entre 300 et 400 soldats (…) afin d’éliminer les rebelles de l’AFC/M23 qui contrôlent désormais des pans entiers du territoire dans l’est du pays. Cette affirmation est partagée dans un contexte tendu, le Rwanda a rompu ses relations diplomatiques avec la Belgique, demandant aux diplomates belges de quitter le pays en 48 heures. Cette décision est liée, selon Kigali, aux tentatives de Bruxelles de « maintenir ses illusions néocoloniales ».

En République démocratique du Congo (RDC), l’occupation des villes de Goma et Bukavu par les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23), soutenus par le Rwanda, a été accompagnée d’une intensification d’une autre forme de conflit dans les zones de l’Est : une bataille insidieuse alimentée par la désinformation. Rumeurs infondées, annonces alarmantes d’attaques imminentes et diffusion d’images parfois manipulées ou sorties de leur contexte viennent non seulement semer la confusion, mais aussi exacerber une situation déjà fragile.

Citation :

«  La Belgique déploie des troupes dans l’est de la RDC ».

Capture d’écran montrant la photo qui illustre les militaires belges en RDC, elle est prise par Balobaki Check le 26/03/25

La publication initiale est publiée en anglais par le compte The Great Lakes Eye, qui compte plus de 5 000 abonnés

 “ The Belgian government on March 17 deployed troops, tanks and drones to the DRC to train and reinforce the Congolese army, FARDC, Wazalendo militia, and the Rwandan genocidal militia, FDLR, to eliminate AFC/M23 rebels who now control swathes of territory in the east of the country. Although their official presence is reportedly for training purposes, Belgian Commandos—estimated to number between 300 and 400 soldiers, roughly two companies—are expected to engage the rebels directly alongside the Congolese army coalition. Based in Lwama Camp, in Kindu, the capital city of Maniema Province, Belgian troops will also train Congolese military instructors of the 31st Brigade of the Rapid Reaction Units (URR), a force also trained by Belgium between 2008 and 2017. The Belgian reinforcement comes amidst the Kinshasa-Brussels honeymoon, where Belgium always has DRC’s back within the EU, lobbying against Rwanda even if it means crossing certain lines, upsetting traditional balances, and breaking a fragile diplomatic process”. 

Traduction avec l’intelligence artificielle :   » Le 17 mars, le gouvernement belge a déployé des troupes, des chars et des drones en RDC pour former et renforcer l’armée congolaise, les FARDC, la milice Wazalendo et la milice génocidaire rwandaise, les FDLR, afin d’éliminer les rebelles de l’AFC/M23 qui contrôlent désormais des pans entiers du territoire dans l’est du pays. Bien que leur présence officielle soit censée servir à des fins de formation, les commandos belges – dont le nombre est estimé entre 300 et 400 soldats, soit environ deux compagnies – sont censés engager les rebelles directement aux côtés de la coalition de l’armée congolaise. Basées au camp de Lwama, à Kindu, la capitale de la province du Maniema, les troupes belges formeront également des instructeurs militaires congolais de la 31e brigade des Unités de réaction rapide (URR), une force également formée par la Belgique entre 2008 et 2017. Le renforcement belge intervient en pleine lune de miel Kinshasa-Bruxelles, où la Belgique a toujours soutenu la RDC au sein de l’UE, faisant du lobbying contre le Rwanda quitte à franchir certaines lignes, à bousculer les équilibres traditionnels et à rompre un processus diplomatique fragile ».

Le M23 est principalement constitué de mutins des Forces armées de la RDC (FARDC), dont une grande partie provient des rangs du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP). Selon une fiche d’information du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), les accords du 23 mars 2009, à l’origine de la rébellion du M23, incluent une clause prévoyant un nouveau découpage territorial basé sur « la nécessité d’une meilleure prise en compte des réalités sociologiques du pays ». Ces accords reconnaissent également les provinces du Nord et du Sud-Kivu comme des « zones sinistrées », appelant à des projets de développement intégrateurs, en priorité dans les zones les plus touchées. Ils prévoient aussi l’intégration des membres du CNDP dans les FARDC et la police nationale congolaise, ainsi qu’une amnistie pour les crimes commis entre 2003 et la signature de l’accord en 2009.

Les faits 

En parcourant le site de l’ambassade, on peut lire en effet que “ La Belgique a actuellement une dizaine de militaires à Kindu”, principalement dans le cadre de la mise en œuvre de la mesure de la Facilité européenne pour la paix (FEP) de l’Union européenne. La FEP est un instrument de l’UE visant à renforcer la capacité de l’Union européenne à prévenir les conflits, à consolider et à préserver la paix et à renforcer la sécurité et la stabilité internationale. La coopération militaire bilatérale entre la République démocratique du Congo et le Royaume de Belgique est actuellement axée sur trois domaines : le domaine académique, le domaine opérationnel et le domaine médical. 

“ Un contingent militaire belge est présent de manière régulière sur la base de Kindu (Maniema) dans le cadre de l’appui à la formation de la 31ème Brigade de Réaction Rapide des FARDC, une activité menée au titre de la coopération militaire bilatérale entre la Belgique et la RDC”, selon l’ambassade.

La photo a été publiée depuis octobre dernier dans un autre contexte

Nous avons effectué une recherche d’images inversée sur Google image, afin de retrouver à quand remonte la photo qui accompagne cette affirmation. Les résultats montrent qu’elle date de octobre 2024. 

Capture d’écran montrant les résultats avec les mots clés. Elle est prise par Balobaki Check le 26/03/25

On lit dans les premières lignes de l’article que “ les forces spéciales de Belgique et des Pays-Bas formeront à partir de 2025 une unité qui pourra être déployée rapidement dans le monde entier au nom de l’alliance militaire de l’OTAN”. L’initiative de coopération a été ratifiée à Ostende, selon l’article. 

Ce qui est certain, la photo publiée par l’agence de presse Belga news pour annoncer le déploiement des forces armées néerlandais et belge à travers le monde dans le cadre d’une mission de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) est similaire avec celle qui a été attribuée à l’arrivée des militaires belges en RDC. 

Cependant, en parcourant l’article de l’agence de presse belge l’on peut lire  : “ Soldiers from the French and Belgian special forces © BELGA PHOTO Arnaud BEINAT/MAXPP”. Nous avons lancé une recherche avec ces indications sur Google et les résultats sont certes nombreux, mais la photo qui fait l’objet de notre recherche est à la Une. 

Le 27 mars, Balobaki Check a également contacté sur le réseau social Instagram le photographe Arnaud Beinat afin de savoir s’il est bien l’auteur de la photo et où celle-ci avait été prise. Au moment où nous publions ce Fac-check, il n’avait pas encore répondu à nos questions.

Cependant, le mardi 8 avril, Arnaud Beinat a répondu au message de Balobaki Check :  » J’en suis bien l’auteur. Elle a été réalisée à Sofins il y a deux ans », a répondu le photographe.

Le salon SOFINS est un évènement biannuel unique en Europe qui tend à s’imposer comme le rendez-vous de l’industrie de haute technologie et des forces spéciales. Durant 3 jours, les acteurs clés du secteur se réunissent afin de proposer des solutions uniques et adaptées aux besoins des opérations spéciales.

Une vidéo publiée sur le compte Youtube de Global Defense News à voir ici.

Démenti de la Belgique sur la photo montrant des militaires belge en RDC

Contacté par Balobaki Check le 25 mars, l’ambassade de la Belgique en RDC a répondu : C’est de la fake news. “ Pas de déploiement de soldats”.

L’ambassade a précisé à Balobaki Check “ qu’un avion militaire belge Dassault Falcon 7X a effectué des vols dans le cadre de diverses missions de routine pour la Défense belge dans la région ces dernières semaines. Ces vols n’ont aucun rapport avec un déploiement de militaires en RDC dans la lutte contre le M23. Il convient de préciser qu’un avion de type Falcon ne peut transporter qu’une quinzaine de personnes et n’est pas absolument pas prévu pour faire du transport de troupes”. 

“ La Belgique a actuellement une dizaine de militaires à Kindu et pas dans le cadre de la lutte contre M23”, a précisé l’ambassade à Balobaki Check répondant à la question de savoir si le chiffre avancé par l’auteur de la publication qui fait l’objet de notre recherche était exact.

Le tweet du ministre belge des affaires Étrangères apporte également des précisions

Dans un tweet publié sur le compte du ministre Belge des Affaires étrangères, Maxime Prevot : Encore une fake news grotesque. Un contingent belge de 6 (!) militaires est bien présent à Kindu pour la mise en œuvre du soutien européen en équipement non létal à l’armée congolaise. Il n’y a donc AUCUN déploiement visant à participer à des opérations quelconque et la Belgique ne compte pas le faire ! Pour le reste, tout sonne faux dans ce tweet qui cherche visiblement à semer le trouble et à faire escalader les tensions. @BelgiumMFA 

Encore une fake news grotesque. 🙄
Un contingent belge de 6 (!) militaires est bien présent à Kindu pour la mise en oeuvre du soutien européen 🇪🇺 en équipement non létal à l’armée congolaise. Il n’y donc AUCUN déploiement visant à participer à des opérations quelconques et la… https://t.co/ZnZwALGQo1

— Maxime PREVOT (@prevotmaxime) March 26, 2025

Rédigé par Ange Kasongo – recherche d’image inversée : Ravanelly Ntumba 

Nos sources pour ce Fact-check – Vous aussi, vous pouvez vérifier comme nous !

• Lien de l’article qui fait l’objet de notre recherche http://archive.today/JfyXc 
• Lien du site de l’ambassade https://rdcongo.diplomatie.belgium.be/fr/la-defense 
• Lien du Tweet du ministre belge
•  https://x.com/prevotmaxime/status/1904879965260120067 
• Echange direct avec l’ambassade de la Belgique en RDC 

• Note : Le 13 avril : nous avons ajouté la citation du photographe, auteur de la photo qui fait l’objet de notre recherche.