Peine des morts en RDC : 102 personnes ont-elles été tuées ? Les autorités, les juristes et les réseaux sociaux s’affrontent sur les faits et les interprétations 

En 2 lignes

Le Congo a exécuté 102 « bandits urbains » ? La mise au point du ministre de la Justice rappelle ce que dit la loi sur la question.

01/07/2025

En bref

De nombreuses publications sur les réseaux sociaux en République démocratique du Congo (RDC) affirment depuis dimanche que le gouvernement congolais a exécuté 102 prisonniers, préalablement condamnés à mort. Le ministère de la Justice a indiqué lundi avoir annoncé « le transfert dans une prison de haute sécurité pour être exécutés ». Sur son compte Twitter, le ministre de la Justice a déclaré n’avoir accordé aucune interview à Associated Press, l’un des médias à avoir relayé cette affirmation. Mais, que disent concrètement les textes juridiques du pays ?

Ces informations ont circulé au lendemain d’une communication de Constant Mutamba, ministre de la Justice qui affichaient devant les caméras les délinquants qui ont été condamnés à mort.

Dans la vidéo, le ministre qui s’exprime en lingala, une des quatre langues nationales, dit ceci : « Aujourd’hui, vous partez et on va exécuter la peine de mort. Vous n’allez plus revenir. Vous allez à la prison d’Angenga (…) Nous faisons face à suffisamment de défis avec les Rwandais qui envahissent notre territoire ; pourquoi devons-nous également gérer les conflits internes liés à la criminalité ? Nous avons reçu l’ordre pour lutter contre la criminalité urbaine parce que c’est le ministère de la Justice qui a la répression, le fouet et les armes. Nous avons levé le moratoire de la peine des morts et ça actualisé en décembre 2023, maintenant, si tu es condamné à la peine des morts, il faut savoir que tu seras exécuté, vous comprenez ? (…) » 

 

Citation 

 » #RDC : Le Congo a exécuté 102 « bandits urbains », KULUNA et 70 autres devraient être tués dans les prochaines heures”, lit-on sur le réseau social X. La publication partagée par une dizaine de personnes a suscité beaucoup de commentaires. 

Capture d’écran prise par Balobaki Check sur X, montrant des prisonniers condamnés à mort en RDC

Capture d’écran prise par Balobaki Check sur X, le 06/01/25 à 16h34

 

L’auteur de la publication a également ajouté que 57 autres personnes ont été tuées au cours des 48 dernières heures. 

 

Perplexité face aux communiqués du ministère sur les condamnés à mort ?

 

Tout a commencé avec deux communiqués du ministère de la Justice partagés avec les médias accrédités samedi et dimanche derniers. Selon ces communiqués, des mesures spécifiques concernaient des détenus condamnés à mort.

 

Avez-vous remarqué une information qui semble douteuse sur les réseaux sociaux ?

Si votre réponse est affirmative, sachez qu’il est possible de le signaler à Balobaki Check en nous envoyant un mail : balobakicheck@gmail.com 

Ces publications ont été suivies d’une interprétation controversée par certains médias internationaux, comme Associated press (AP) qui ont affirmé dimanche que : « Le Congo exécute 102 « bandits urbains » et 70 autres sont sur le point d’être tués, selon les autorités KINSHASA, Congo (AP) – Quelque 102 hommes ont été exécutés par le gouvernement congolais au cours de la semaine dernière, et 70 autres sont sur le point d’être exécutés, a déclaré dimanche le ministre de la Justice du pays dans un communiqué transmis à l’Associated Press », peut-on lire sur le site de cette agence américaine de presse le 06 janvier dans la matinée. 

Ceci est la version française extrait du texte en anglais : « Congo Executes 102 ‘Urban Bandits’ With 70 More Set to Be Killed, Officials Say KINSHASA, Congo (AP) — Some 102 men were executed by the Congolese government in the past week, and 70 more are set to be executed, the country’s minister of justice said Sunday in a statement to the Associated Press ». 

Cette dépêche a notamment été relayée par d’autres médias tels que CNN et USNews, comme on peut le voir sur la capture d’écran prise par Balobaki Check le 6 janvier. 

Capture d'écran de la dépêche de Associated press repris par US NEWS. Elle est prise par Balobaki Check le 06/01/25

Capture d’écran de la dépêche de Associated press repris par US NEWS. Elle est prise par Balobaki Check le 06/01/25

 

Démenti du ministre de la Justice, Constant Mutamba

Le 6 janvier à 13 heures 27’ de Kinshasa, le ministre de la Justice de la RDC, Constant Mutamba a dans un tweet, démenti avoir accordé une interview à un média international et en particulier “ AP”, dit-il rappelant que “ les lois congolaises prévoient la peine de morts et les mécanisme de son exécution”. 

 

L’agence de presse Associated Press a apporté une correction dans sa dépêche en précisant que l’exécution de la peine de mort a été annoncée par les autorités congolaises. 

 

Le 6 janvier, Associated Press a publié une dépêche affirmant que  » Plus de 170 condamnés à mort ont été transportés par avion de la capitale du Congo vers une prison de haute sécurité dans le nord du pays où ils seront exécutés, ont annoncé les autorités congolaises ».

Ceci est la version française extrait du texte en anglais  » More than 170 inmates on death row were flown from Congo’s capital to a high-security prison in the north where they will be executed, Congolese authorities said ». Que vous pouvez lire l’intégralité: ici

À la fin de cette nouvelle version de l’article, Associated press a ajouté :  » AP correction : This story has been updated to correct that none of those on death row has yet been executed, as was previously reported by AP  » – qui veut dire en français : Cet article a été mis à jour pour rectifier qu’aucun des condamnés à mort n’a encore été exécuté, comme l’a précédemment rapporté l’AP.

Dans la soirée du 6 janvier, le porte-parole du gouvernement de la RDC a parlé d’un transfert en apportant un nombre précis.

 

Quelles sont les mécanismes que la loi congolaise prévoit dans l’exécution de la peine des morts ?

La peine de mort n’avait jamais été abolie en RDC même si son exécution faisait l’objet d’un moratoire depuis 2003 avant la levée de celle-ci en 2024

Avant la levée du moratoire, elle continuait à être prononcée par les tribunaux congolais mais était remplacée par des peines à perpétuité. Des acteurs de la societé civile et defenseurs des droits humains, comme l’ONG avocat sans frontières, considère que la levée du moratoire « constitue une violation des droits humains en particulier du droit à la vie et du droit de ne jamais subir ni la torture ; ni des peines ou encore des traitements cruels ; inhumains ou dégradants ». 

Selon les juristes, notamment de l’association avocat sans Frontières que Balobaki Check a contacté lundi, «  il y a condamnation à mort dans plusieurs cas par exemple : association de malfaiteurs (cas de kuluna et Malanga), haute trahison etc. La condamnation à mort en RDC est prononcée mais non applicable, car la constitution de la RDC indique que la personne humaine est sacrée et les avocats des accusés insistent là-dessus ».  

En consultant l’article 16 de la constitution de la RDC, il est dit ceci :« La personne humaine est sacrée. L’Etat a l’obligation de la respecter et de la protéger. Toute personne a droit à la vie, à l’intégrité physique ainsi qu’au libre développement de sa personnalité dans le respect de la loi, de l’ordre public, du droit d’autrui et des bonnes mœurs. Nul ne peut être tenu en esclavage ni dans une condition analogue. Nul ne peut être soumis à un traitement cruel, inhumain ou dégradant. Nul ne peut être astreint à un travail forcé ou obligatoire ».

La Commission  africaine des droits de l’homme et des peuples a exprimé sa vive préoccupation suite à la prise de la Note Circulaire n°002/MME/CAB/ME/MIN/J&GS/ 2024 du 13 mars 2024 par laquelle la Ministre de la Justice  demande aux autorités judiciaires compétentes de procéder à  l’exécution   effective de la  peine  de mort lorsqu’elle est « consécutive à une condamnation judiciaire irrévocable intervenue en temps de guerre, sous l’état de siège ou d’urgence, à l’occasion d’une opération de police tendant au maintien ou au rétablissement de l’ordre public ou encore pendant toute autre circonstance exceptionnelle… », a-t-on lu sur le site de cette plateforme lundi 6 janvier. 

 

Cet article de vérification des faits est rédigé par l’équipe de Balobaki check 

Écrit par : Ravanelly Ntumba avec la contribution d’Ange Kasongo

Avez-vous remarqué une information qui semble douteuse sur les réseaux sociaux ?

Si votre réponse est affirmative, sachez qu’il est possible de le signaler à Balobaki Check en nous envoyant un mail : balobakicheck@gmail.com Balobaki Check est une structure non partisane qui veut promouvoir l’exactitude de l’information dans le débat public en République démocratique du Congo afin de renforcer notre démocratie à travers des formations de journalistes, l’éducation aux médias et des contenus de qualité pour lutter contre les messages de haine et les fausses informations (Fakenews) au sein des communautés. 

Nos sources pour ce fact-check Vous aussi, vous pouvez vérifier comme nous

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