Débat sur un éventuel changement de la Constitution en RDC : que dit réellement l’article 217 ?  

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En 2 lignes

La Constitution de la RDC ne contraint pas le pays à céder 300 km de son territoire aux pays voisins afin de régler des conflits.

11/18/2024

En bref

De nombreux internautes ont amplifié les propos du Président de la République démocratique du Congo (RDC), Felix Antoine Tshisekedi Tshilombo, concernant l’article 217 de la Constitution. Ils soutiennent que cette disposition contraint le pays à abandonner ses terres au nom de la paix. Un homme d’Église a affirmé dans une vidéo partagée des centaines de milliers de fois, que « notre Constitution dit que, si nous avons un problème avec un voisin, nous pouvons lui céder 300 km de notre territoire au nom de la paix ». Cependant, en relisant cet article de la Constitution, il n’est pas spécifié que la RDC doive céder ses terres. Cette démarche n’est pas une obligation et l’article ne précise pas la distance à concéder. Ces éléments de langage sur les collaborations régionales se retrouvent dans les chartes constitutionnelles d’autres pays africains. 

Le Pasteur a déclaré en lingala, une des quatres langues de la RDC que : “ un article de notre constitution dit ceci : Congo, notre pays, si nous avons un souci avec un voici, nous pouvons céder 300 km de notre territoire au nom de la paix, c’est écrit comme ça, si on nous provoque, on cède un espace, nous avons 9 voisins, donc si Brazzaville nous provoque, nous sacrifions le fleuve, si Angola nous provoque, on donnons Kabinda, si la Zambie nous provoque, on lègue Kasumbalesa (…) je ne suis pas politicien, mais, si aujourd’hui ça tire de partout, je ne pourrais pas venir vous prêcher”, a déclaré un pasteur dans une communauté religieuse qui regroupe des centaines de milliers de fidèles. La vidéo avec l’extrait de cette prédication qui tourne est à trouver. Elle a été vue des centaines de milliers de fois. 

Ce qu’a réellement dit le Président Tshisekedi sur la Constitution 

 

En séjour à Lubumbashi depuis vendredi 16 novembre, le Chef de l’Etat a déclaré devant une foule venue l’accueillir :  » Il y a des pièges dans cette constitution. Les guerres qui s’en sont suivies, la fameuse guerre du CNDP, la guerre du M23 d’hier et d’aujourd’hui, entrent dans ce cadre de ce que vous avez vu dans cette constitution à l’article 217. On veut nous obliger à abandonner une partie de notre souveraineté à des États voisins. Qui est-ce qui va m’interdire, moi, le garant de la nation, de ne pas faire ça ? » 

Le Président a aussi insisté sur la mise en place d’une commission pour revoir la constitution.  » Leurs propositions vous seront présentées à vous peuple d’abord à travers les élus et si cela est nécessaire, nous consulterons le peuple pour qu’il décide de lui-même s’il doit s’arrêter à la révision ou carrément aller au changement de la constitution. Personne ne changera mon avis sur cette question. Je ne suis pas venu à la tête du Congo pour m’éterniser au pouvoir. Je ne pense qu’au bonheur de mon peuple ». 

 

Que dit concrètement l’article 217 de la Constitution de la RDC ? 

 

Cet article s’aligne au chapitre VI intitulé “ des traités et accords internationaux”. Après avoir relu les cinq articles qui font partie de ce chapitre, l’article 217 stipule que “ La République démocratique du Congo peut conclure des traités ou des accords d’association ou de communauté comportant un abandon partiel de souveraineté en vue de promouvoir l’unité africaine”, indique l’article 217 de la constitution de février 2006 amendée au mois de janvier 2011. 

En parcourant les constitutions de plusieurs pays en Afrique, nous avons trouvé une similarité en ce qui concerne l’intégration africaine.  

Selon l’article 124 de la constitution de 2016 de la Côte d’Ivoire par exemple que nous avons consulté dimanche 17 novembre sur le site de la présidence de la République, il est écrit que “ La République de Côte d’Ivoire peut conclure des accords d’association ou d’intégration avec d’autres Etats africains comprenant abandon partiel de souveraineté en vue de réaliser l’unité africaine. La République de Côte d’Ivoire accepte de créer avec ces Etats, des organisations intergouvernementales de gestion commune, de coordination et de libre coopération. 

L’article suivant de la constitution Ivoirienne est plus détaillé. Il indique par exemple que les organisations visées à l’article 124 peuvent avoir notamment pour objectifs : la création de fonds de solidarité ; l’harmonisation des plans de développement ; l’harmonisation de la politique étrangère ; la mise en commun de moyens propres à assurer la défense nationale ; la coordination de l’organisation juridictionnelle et autres. 

https://balobakicheck.com/les-grandes-etapes-de-verification-des-faits/

 

Modifier ou changer la Constitution : un ticket pour un troisième mandat ? 

 

Élus pour un deuxième et dernier mandat Constitutionnel, Félix Tshisekedi a prêté serment en janvier après une réélection contestée en décembre. Il a annoncé son intention de réviser la constitution, estimant que la constitution actuelle, ratifiée par référendum en 2005, n’est pas adaptée aux réalités actuelles du pays : « Vous avez entendu parler d’un changement potentiel de la constitution, nous ne devrions pas avoir peur que ce sujet soit abordé », avait déclaré M. Tshisekedi en octobre dernier.

De nombreux acteurs de l’opposition voient en cette attitude du chef de l’État une volonté politique de rester plus longtemps au pouvoir. Des figures politiques comme Martin Fayulu, Claudel Lubaya et Delly Sessanga ont exprimé leur point de vue sur leurs comptes Twitter. Le dernier a été brièvement et brutalement interpellé par la police lors d’une sensibilisation pour empêcher tout changement de la constitution. Le conseil des ministres a indiqué que le Président Tshisekedi a condamné cet acte. 

 

Tshisekedi a rassuré à Lubumbashi

 

 » Ce que j’ai dit à Kisangani n’avait aucun lien avec un quelconque troisième mandat (…) Qui leur a parlé d’un 3e mandat ? Je ne suis pas venu pour m’éterniser au pouvoir. Tout ce que je fais, tout ce à quoi je pense c’est au bonheur de mes compatriotes et au développement de mon pays, parce qu’un jour je vais devenir ex-Président et je veux vivre dans mon pays auprès des miens « , a tweeté Tina Salama, la porte-parole du Chef de l’État vendredi dans la soirée.

 

 

En conclusion, la Constitution de la RDC ne contraint pas le pays à céder 300 km de son territoire aux pays voisins afin de régler des conflits. L’affirmation selon laquelle  » notre Constitution dit que, si nous avons un problème avec un voisin, nous pouvons lui céder 300 km de notre territoire au nom de la paix » est trompeuse. 

Cet article de vérification des faits a été rédigé par l’équipe de Balobaki check 

Écrit par : Ange Kasongo

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